On les présente comme les nouveaux gardiens de la littérature. Les Sensitivity Readers sont de plus en plus nombreux dans les maisons d'édition. Leur mission ? Détecter les propos sexistes, homophobes, racistes qui pourraient offenser les lecteurs et qui auraient pu échapper aux auteurs des manuscrits en question.
Apparus dans les maisons d'éditions Américaines depuis maintenant quelques années, les Sensitivity Readers commencent lentement à prendre du terrain en France. Pour la plupart faisant partie de minorités, leur rôle est de relire les manuscrits et de repérer les contenus offensants avant publication. Généralement, le Sensitivity Reader fera parti de la minorité concernée par l'oeuvre et pourra ainsi non seulement relire celle-ci avec un point de vue académique, mais aussi et surtout relire selon son experience personnelle. Le relecteur fait ensuite part d'un rapport à l'auteur, où il mettra en avant les problèmes suvenus dans le manuscrit et proposera des solutions pour les corriger. Aujourd'hui, des listes de Sensitivity Readers sont disponibles sur le web, mais aussi à travers les réseaux sociaux, où ils semblent se faire le plus connaitre.
Malgré toutes ses bonnes intentions, ce nouveau métier suscite l'indignation du côté de certains Français qui l'associent à de la simple censure. Pour autant, cette improbation du métier n'est pas née en France et se trouve décriée partout ailleurs. Depuis leur apparition, les Sensitivity Readers font l'objet de maintes critiques à travers de nombreux articles.
Dans un post publié en 2019 intitulé The Problem with Sensitivity Readers, l'écrivain Américain Ryan Holiday se questionne. Selon lui, un bon livre est censé bouleverser, susciter l'émotion, pousser à la réflexion et non rendre heureux et faire plaisir. Alors oui, certains points vont de soi, certaines œuvres ont en effet pour but de pousser à la réflexion et déstabiliser le lecteur. Seulement, il semblerait tout de même que l'objectif pour de nombreux auteurs soit aussi de rendre heureux ou nous permettre d'échapper à notre quotidien. Ce que relève Ryan Holiday et qui pousse en effet à la réflexion, c'est la raison pour laquelle certains auteurs viennent à engager des Sensivity Readers. Une raison qui ne paraît pas toujours tout à fait honnête, les auteurs ne cherchant pas nécessairement à préserver les sentiments de leurs lecteurs mais souhaitant se protéger d'éventuelles critiques.
Bien qu'il soient fortement critiqués par certains auteurs et journalistes, les Sensitivity Readers font aussi des adeptes et peuvent être considérés comme inévitables dans une société qui tend à être plus inclusive.
Pour la journaliste est auteure Juno Dawson, ils sont aujourd'hui indispensables dans le monde de l'édition : "Bien sûr, personne ne veut se considérer comme intolérant, mais si j'avais écrit par inadvertance quelque chose d'inexact ou d'insultant, je préférais le savoir tant que le livre est encore sur Word et non sur les étagères des librairies." écrit-elle pour The Guardian. Selon elle, ces relecteurs ne disparaitront pas de si tôt et dans une société où les éditeurs manquent de diversité, elle encourage les auteurs à accueillir cette nouvelle profession. C'est en effet à la manière d'un ami ou d'un membre de sa famille que l'auteur peut trouver chez le Sensitivity Reader un point de vue extérieur à l'égard de son œuvre et ainsi éviter des erreurs maladroites qui pourraient offenser son public.
Selon l'écrivaine et sensitivity reader Américaine Marjorie Ingall cette profession pourrait aussi permettre à la littérature jeunesse de s'améliorer. "Il est essentiel de souligner que, pendant des générations, les représentations de personnes de couleur dans la littérature pour enfants étaient rares et espacées [...] Il est également essentiel de noter que les auteurs blancs peuvent toujours écrire sur des personnages de couleur ; les auteurs sans handicap peuvent toujours écrire sur des personnages handicapés ; les auteurs hétérosexuels et cisgenres peuvent toujours écrire sur des personnages LGBTQ. Il leur suffit d'être, et bien… sensibles. Lorsqu'ils y parviennent, d'après mon expérience de lecture, ils s'attirent rarement la réprobation."
Alors la question se pose : cette nouvelle profession limite t-elle réellement la liberté de l'auteur ? Dénature t-elle l'œuvre initiale ?
En soit, la relecture a toujours eu sa place dans le monde de l'édition, pourquoi donc ne pas laisser une chance à l'émergence des Sensitivity Readers en France ? Même si, bien sur, comme beaucoup de professions et de nouveautés il est tout à fait possible d'en découvrir ses limites. Il semble également que l'auteur reste maître de son œuvre, dans ce cas, libre à lui d'apporter une modification ou non à son œuvre avant publication. Aussi, et sans vouloir faire un trop gros parallèle, nombreux sont les auteurs qui s'adressent à des professionnels de secteurs particuliers pour être plus justes dans les termes de la profession. Avoir le point de vue de la personne concernée, semble apporter dans tous les cas une plus-value au roman qui ne sera que plus juste suivant le sujet qu'il aborde. Bien que des risques d'abus puissent subsister, le Sensitivity Reader n'a pas vocation à changer l'oeuvre de A à Z.
They are described as the new literary gatekeepers. Sensitivity Readers are increasingly prevalent in publishing houses. They detect sexist, homophobic, or racist comments that could offend readers to which the writer would not have paid attention.
Sensitivity readers have been appearing in American publishing houses for a few years now and are slowly beginning to gain popularity in France. Most of them are minorities and their role is to review manuscripts and identify offensive content before publication. Generally, the Sensitivity Reader will be in the minority and will be able to review the work not only from an academic perspective, but also from his or her own experience. The reviewer then sends a report to the author, highlighting problems in the manuscript and proposing solutions to correct them. Today, lists of Sensitivity Readers are available on the web, but also through social networks, where they seem to be the most popular.
Despite all its good intentions, this new profession is causing indignation among some French people who regard it as mere censorship. However, this new profession wasn't born in France and is criticized everywhere else. Since their emergence, Sensitivity readers have been the subject of many discussions in numerous articles.
In a post published in 2019 entitled The Problem with Sensitivity Readers, the American writer Ryan Holiday questions it. According to him, a good book is supposed to upset, arouse emotion, push to reflection, and not make happy and please. So yes, some points are obvious, and some works are indeed meant to make the reader think and destabilize. However, it seems that the aim of many authors is also to make us happy or to allow us to escape from our daily life. What Ryan Holiday points out, and which indeed leads to reflection, is the reason why some authors come to hire Sensitivity readers. A motive that doesn't always appear to be entirely honest, as authors don't necessarily want to preserve their readers' feelings but want to protect themselves from possible criticism.
Although strongly criticized by many authors and journalists, Sensitivity Readers also have a devoted following and can be seen as essential in a society that tends to be more inclusive.
For journalist and author Juno Dawson, they are now a necessity in the publishing world: " Of course, no one wants to think of themselves as bigoted, but if I’d inadvertently written something inaccurate or insulting, I’d much rather know while the book was a Word document and not on the shelves of bookstores" she writes for The Guardian. According to her, these reviewers won't disappear anytime soon and in a world where publishers lack diversity, she encourages authors to welcome this new profession. Indeed, it is also in the same way as a friend or a family member that the author can obtain an external point of view on his work from the Sensitivity Reader and thus avoid clumsy mistakes that could offend his audience.
According to the American writer and sensitivity reader Marjorie Ingall, this profession could also allow children's literature to improve. "It’s vital to point out that for generations, depictions of people of color in children’s literature were few and far between [...] It’s also vital to note that white writers can still write characters of color; writers without disabilities can still write characters with disabilities; straight and cisgender writers can still write LGBTQ characters. They just have to be … well, sensitive. When they get it right, in my reading experience, they rarely attract opprobrium."
So the question arises: does this new profession really limit the author's freedom? Does it denature the original work?
In fact, proofreading has always had its place in the publishing world, so why not give a chance to the emergence of Sensitivity readers in France? Even if, of course, like many professions and novelties, it is quite possible to discover its limits. It also seems that the author remains in control of his work, in this case, free to modify or not his work before publication. Without making too much of a parallel, many authors also turn to professionals in specific sectors to be more accurate in the terms of the profession. To have the point of view of the concerned individual seems to bring in any case an additional value to the novel which will be more accurate according to the subject it deals with. Even though there is a risk of abuse, the Sensitivity Reader is not intended to change the work from A to Z.
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